Fédération Nationale du Mérite Maritime
et de la médaille d'Honneur des marins
Section du Finistère

Souvenirs de Voyages

Carnet d'un marin

François Malgorn

Depuis la fin des années 70, jusqu'à nos jours, un triste sort s'acharne sur le monde maritime de notre pays.
Des milliers de marins sont contraints de poser sac à terre. Ils sont remplacés, sur quelques navires battant encore pavillon français, par des étrangers, socialement moins exigeants.
Oh! Ils se sont bien plaints, tous ces hommes issus de générations et de peuples maritimes. Malheureusement, disséminés dans les recoins du littoral ou éloignés sur toutes les mers du globe, ils n'ont pu faire entendre leurs lamentations.
Les médias n'ont eu vent d'aucune manisfestation de marins en colère, pas un seul port n'a été barré par des cargos mutins...
Les politiques, par contre, pourvoyeurs de cet exode, ont fait la sourde oreille... Pensez-vous, voilà des gens que l'on peut licencier à volonté, sans qu'ils ne bloquent aucune autoroute, ne saccagent aucune préfecture, ne barbouillent aucun notable, quelle aubaine!
Ainsi, inconsciemment ou pas, les décideurs qui se succèdent depuis trente ans à la barre de notre pays ont-ils laissé disparaître, non pas une profession parmi tant d'autres, mais un grand métier, héritier naturel de celui qui a permis à ces centaines de grands marins de découvrir tant de pays et faire prospérer notre culture de par le monde.
Mais bon sang messieurs, sachez que notre nation fut respecté, crainte et admirée, grâce à la splendeur de sa flotte et à la culture, l'expérience et la qualité de ses marins.
Sachez aussi qu'à l'heure de la mondialisation galopante, à l'heure du multimédia et d'internet, la grandeur d'un pays se mesure encore et toujours à la beauté d'un de ses navires entrant dans un port. Demandez donc à vos collègues d'outre-manche ce qu'ils en pensent...
J'ai été pendant vingt et une année, acteur de ce mélodrame. Fils, petit-fils de marin, né sur une île, j'ai parcouru de 1976 à 1997 toutes les mers du globe à bord des navires de la Compagnie Générale Maritime. C'est avec un peu d'amertume que j'ai franchi, le 16 juin 1997, la coupée du Fort Royal, pour la dernière fois.
Sachant ce métier en voie de disparition, j'ai pris soin d'écrire plusieurs journaux de voyage, de prendre des clichés de paysages exotiques ou de scènes de vie à bord.
Mon souhait est de faire connaître les conditions de vie des derniers marins au long cours français.

Naissance d'une vocation

LORSQU'ON NAÎT A L'ÎLE D'OUESSANT, véritable forteresse ancrée à la pointe de la Bretagne, on ne peut être que captivé par la mer. J'ai vécu mes jeunes années sur cette île qui se trouve au bord de la plus grande autoroute maritime du globe. Pour les marins du monde entier, Ouessant est un nom aussi connu et redouté que le cap Horn, le cap de Bonne-Espérance ou le détroit de Malacca.
Aujoud'hui, à cause d'événements tragiques telle la catastrophe de l'Amoco Cadiz en 1978, la circulation aux abords de l'île est strictement réglementée. Les navires empruntent le "rail" (1) constitué de couloirs de navigation relativement éloignés des côtes.
Quand j'avais dix ans c'était loin d'être le cas, les navires passaient dans tous les sens, ils croisaient souvent dangereusement près des récifs et même dans l'étroit chenal du Fromveur (2) entre l'île sentinelle et l'archipel de Molène.

A cette époque, mon père, après une période aux Chargeurs réunis, naviguait à la Havraise, il passera ensuite aux Messageries maritimes. J'avais six oncles qui travaillaient également au long cours. Dans la famille les discussions tounaient toujours autour de ce sujet. Dans chaque maison il y avait, accroché au mur, plusieurs photos ou peintures de cargos. Je me souviens de celle du pétrolier Fabiola posé au-dessus de la cheminée chez mon oncle Charlot au Niou et du paquebot Île de France chez mes grands-parents, mon grand-père était mécanicien à la Transat (3)
Avec eux, j'ai très vite appris à différencier un pétrolier d'un minéralier, un bananier d'un cargo, ils m'ont aussi enseigné les couleurs des cheminées, afin de savoir à quelle compagnie appartenait le navire. Je reconnaissais ainsi très vite la grosse cheminée noire des Messageries, la jaune étoilée des Chargeurs, la rouge et noire de la Transat, à ne pas confondre avec la rouge, noire, rouge de la Havraise, la bleue de la Delmas, la bleue, blanc, rouge de la Fabre et même celles des compagnies étrangères: Blue Star Line, Hansa, etc.
Les commandants des cargos aimaient emprunter le chenal du Fomveur au sud de l'île, en calculant l'heure de passage, il pouvaient gagner plusieursheures sur le trajet, en profitant des forts courants de marée. Lorsque j'entendais un bruit sourd dans le lointain, je savais qu'allais avoir lieu mon spectacle favori: un gros navire approchait de nos côtes, ce bourdonnement était le ronronnement de son puissant moteur Diesel. J'accourais près de la grève et émerveillé, je regardais, ébahi, le mastodonte défiler devant mes yeux. Lorsqu'un navire français empruntait ce passage il avait coutume de saluer le phare de Kéréon de trois coups de sirène. Si un marin de l'île se trouvait à bord, le navire redonnait trois autres coups au droit de la maison de celui-ci, ainsi tous les habitants savaient qu'un des leurs partait ou rentraint de voyage...
Habitant près du port, je passais le reste de mon temps avec mes camarades à pêcher les petites "vieilles" (4) le long des quais, à emprunter, au grand dam des pêcheurs, leurs anexes afin de m'initier à la godille.L'été venu nous allions de bonne heure sur le port, car les caseyeurs mlénais y venaient relâcher le temps de se reposer et de vendre quelques crabes. Ils s'entassaient dans le petit port et je n'ai toujours pas oublié leurs jolis noms: La Jeannette, la Petite Corinne, la Petite Anita, la Petite Simone, la Belle Îlienne, la Méduse et le Noz Deiz .
Il peut paraître étonnant de voir les pêcheurs Molénais vendre leurs crabes et homards sur notre île, les Ouessantins ne pêchent-ils donc pas?
C'est vrai qu'à Ouessant, il n'y a quasiment jamais eu de pêcheurs professionnels. Il paraît que c'est parce qu'il n'y a jamais eu de port bien abrité pour accueillir les bateaux en toute sécurité. C'est peut être une explication, moi j'en ai une autre... Le Ouesssantin, comme tout îlien, nait marin par nature. Il y a eu , du temps de la marine à voile, de solides gaillards qui pratiquaient la pêche sur l'île. Ceux-ci étaient même très réputés, car ils ecerçaient en plus le métier de pilote. Dès qu'une voile apparaissait à l'horizon, ils se rendaient à la rencontre du navire et proposaient leurs services afin de le guider parmi les écueils de la pointe de Bretagne.
Les marins de l'île ont toujours été de grands sauveteurs en mer, il suffit de consulter les grands tableaux noirs tapissant les murs du hangar canot S.N.S.M. au port de Mampaul, énumérant les vies humaines sauvées d'une fin certaine.
Avec la disparition de la marine à voile et l'avènement des navires à vapeur, c'est à dire depuis le début du siècle dernier, les pêcheurs ouessantins se sont comptés sur les doigts de la main, tous les hommes sont partis gagner leur vie sur les long-courriers.Mon explication se trouve ici, je suis certain qu'étant gamins, ils ont ressenti le même émerveillement que moi en voyant ces magnifiques navires frôler les côtes de l'île et n'ont eu qu'une envie: partir découvrir le monde à leur bord. Et là aussi ils ont très vite acquis une solide réputation d'excellents navigateurs. Il y a quelques années, l'hebdomadaire Le marin, journal traitant de l'actualité maritime titrait à la une: "Ouessant, l'île aux boscos (5)". Quand on sait que le bosco sur un cargo est le maître d'équipage, cela ne peut que mettre en valeur la qualité de nos îliens, qui mettaient tous un point d'honneur à partir en retraite avec ce titre!
Il y a toujours eu une vive rivalité entre les habitants des deux îles voisines, surtout en matière de qualités maritimes. Les Molénais accusant les "maouts", nom breton des moutons, nombreux sur l'île, d'avoir peur de pêcher dans les parages dangereux, les Ouessantins colportant quant à eux que les " skréos", jeunes oiseaux de mer, avaient peur de s'éloigner plus d'une journée de leurs femmes! En réalité tous ces gars étaient de solides marins, comme on en trouve de moins en moins...
Quant à moi, comme beaucoup de mes camarades, à l'âge de seize ans, ma décision était prise, je voulais partir naviguer. C'est à l'insu de mon père qui se trouvait à l'autre bout du monde, que ma mère accepta de m'inscrire à l'école maritime de Nantes où je préparais le brevet d'électricien de bord. Je choisis par la suite d'embarquer aux Messageries maritimes, compagnie pour laquelle mon père travaillait déjà.

1- Nom donné aux routes imposées aux navires au large de l'île. 2- Fort courant séparant l'île de Molène. 3- Compagnie Générale Transatlantique. 4- Poisson familier des côtes bretonnes. 5- Maître d'équipage, chef d'équipe responsable de tout ce qui concerne le pont du navire, amarrage du navire, chargement, sécurité...

 

INTRODUCTION AUX VOYAGES

Six FEVRIER 1976, LE JOUR LE PLUS IMPORTANT de ma vie! Les traits tirés et fatigué par mon premier voyage en train de nuit, je me retrouve seul sur le quai. J'ai respecté les consignes de mon père, à dix-sept ans je suis un peu inquiet en découvrant la gare Montparnasse et la traversée de Paris en voiture jusqu'à la gare du Nord.
Dix heures du matin, gare de Dunkerque il ne me restera plus qu'à prendre un dernier taxi qui me mènera sur le Natal, cargo des Messageries maritimes, sur lequel j'embarque comme novice.

©2002 - Jérôme Billard (reproduction interdite)

C'est le premier jour d'une carrière de marin au long cours qui durera vingt et un ans, pour s'achever le 16 juillet 1997 sur le Fort Royal.

C'est avec regrets que j'ai quitté une marine marchande en pleine déconfiture et qui a perdu presque tous ses marins français. Durant ces vingt et une années, j'ai fréquenté soixante-deux pays, escalant dans cent soixante-dix ports. J'ai visité les plus grands Etats: Les Etats Unis, le Japon, L'Union Soviétique; mais aussi les plus pauvres: la Papouasie, Haïti, le Bangladesh...
Certains endroits restent inoubliables: les baies de Sydney, New York, Rio de Janeiro, Yokohama, Hong Kong.
Le passage des canaux de Suez, Panama, Kiel,des détroits de Gilbraltar, Messine, Malacca, La Sonde.
Les parcours fabuleux le long de la barrière de corail dans le Nrd australien, dans le lagon de Nouméa, parmi la myriade d'îles indonésiennes ou dans les fjords norvégiens.
Se retrouver face aux éléments dans le golfe de Gascogne en furie, sur la mer Baltique gelée, subir les tornades du golfe du Mexique ou la mousson indienne, les cyclones tropicaux ou les tempêtes de sable en mer Rouge, sont autant de moments forts. On oublie pas de sitôt les cinquantes-cinq degrés du golfe d'Aden ou les moins quarante degrés du nord de la Finlande...
Remonter l'amazone ou tout simplement la Seine jusqu'à Rouen sont de merveilleux clichés? comme d'admirer les volcans tels que l'Etna, le Vésuve, le Stromboli, le Krakatoa, la Soufrière, la Fournaise.
Le marin a également le privilège d'avoir goûté à toutes les saveurs du monde: le curry de poulet de Colombo, le riz Cantonnais de Danang, le serpent à Hongkong, les gambas indonésiennes, le maï maï (1) de Papeete, le massalé (2) de la pointe des galets, le romazava (3) de Tamatave, les langoustes de Kingston, les brochettes de cabri de Buenos Aires, les crabes de cocotiers (4) de Port-Vila, les crevettes de Kaohsiung, les grillades des dockers de Montevideo (5), la morue de Porsgrunn, les moules frites de Dunkerque, le teebone de Houston, la langouste de Barrios, la fricassée de lambi de Fort de France (6), la daube de requin à Basse-terre, le kangourou de Sydney, le caviar de Leningrad, etc. Sans parler de ces petits plats épicés ou fruits grignotés au détour des marchés ou fort tard dans la nuit le long des rues illuminés.
Et puis il y a les odeurs, celle du navire tout d'abord, qui dépend du type de motorisation et du pays constructeur. Avec l'expérience, je peux savoir en montant à bord si le navire est équipé d'un moteur lent ou semi-rapide (7)! Mon épouse sait très bien également qu'un navire a une odeur. A chaque débarquement tout le contenu de la valise passe à la machine à laver et la valise est rangée au plus profond d'un placard.
Lorqu'une escale se prépare et que le navire approche de la côte, nous sentons la terre, ceci est indescriptible, la terre a une odeur que l'on ne peut deviner qu'après en avoir été éloigné sur la mer pendant plusieurs jours. Quel bonheur, lorsqu'au petit jour le navire pointe son étrave devant un petit port comme Cilacap en pleine forêt tropicale indonésienne; on sent très fort les odeurs de la forêt vierge tel l'eucalyptus, le santal, la chlorophylle, etc.
Chaque région du globe a une odeur particulière, on retiendra les odeurs fortes de l'Afrique et du moyen-Orient, on ne parlera surtout pas de celles ressenties lorsque l'on arrive à Rotterdam ou prè des raffineries de Galveston...
Il ne faut surtout pas croire que lorsque le navire est amarré dans un port, l'équipage se contente de fréquenter les bars le long du quai. Nous organisons, en effet souvent des excursions dans l'arrière-pays. J'ai eu ainsi l'occasion de visiter entre autres, le palais de l'Hermitage à Leningrad (Saint Pétersbourg), des châteaux en Lettonie, des haciendas en Argentine, l'aquarium de Nouméa et le barrage de Yaté en Nouvelle-Calédonie, La tour de Pise, la ville de Tokyo, la brousse au Vanuatu, la ville de Ghandi au Sri Lanka, une réserve de lémuriens à Madagascar, le bush australien et la ville de Sydney, l'escalade de la Soufrière en Guadeloupe, de la Fornaise à la Réunion, le Corcovado et le Pain de Sucre à Rio de Janeiro, etc.
Toutes ces images peut être susciteront des vocations! En faisant partager les bons et mauvais moment vécus, je ne peux que souhaiter à d'autres autant d'émotions. Mais je désire avant tout valoriser ce métier, dans lequel des familles entières ont baigné. Pour les marins, il y a des milliers de souvenirs, des images plein la tête. Cette profession à toujours eu un esprit de conquète, de découverte. Je n'oublie pas toutefois le perpétuel éloignement familial qui a marqué ces hommes et leurs familles, alternant les déchirements lors des départs et les joies intenses des débarquements.
Hélas, depuis trente ans, le laxisme des décideurs politiques de toutes appartenances a eu raison de ce singulier métier. On ne peut que regretter qmèrement la disparition de cette profession. L'évolution historique a ainsi mis à terre des milliers d'hommes qui se retrouvent emmanquablement orphelins de la mer.

1- Poisson cru à la tahitienne. 2- Viande de porc aux épices. 3- Viande de boeuf cuite avec une plante aux parfums relevés. 4- Crabe exotique très agile, courant sur les plages et se nourrissant de noix de coco. 5- Sur les quais, les dockers improvisent de fabuleux barbecues. 6- Gros coquillage de la forme du bulot, puvant peser plusieurs kilos. 7- Puissants moteurs de propulsion, pouvant atteindre quarante mille chevaux, à deux temps ou à quatre temps.

Mars 1976 - La première escale

BIEN QU'AYANT FAIT UN BREF ARRET A DJIBOUTI, puis un autre de quelques heures à Cochin en Inde, ma première escale est Cilacap sur l'île de Java. Ce port se situe sur la côte ouest de l'île, dans le sud du détroit de la Sonde. J'en garde un excellent souvenir, j'ai tout juste dix-sept ans et pour une première je ne pourrais trouver meilleur accueil, tant avec la population que par la beauté du paysage.

 

Nous sommes en mars 1976, je suis embarqué sur le vivarais, j'y suis muté après quelques jours passés sur Le Natal, c'est un magnifique cargo faisant partie de la grande série des "V" et des "M", navires de neuf mille trois cents tonnes construits pour la plupart à La Ciotat et Port-de-Bouc entre 1958 et 1961, sur les mêmes plans. Seul, le Vivarais a été construit à Hoboken, en Belgique par les chantiers Cockerill. La série comprend le Vosges, Ventoux, Vanoise, Velay, Vivarais, Marquisien, Mauricien, Malais et le Maori qui connut une fin tragique dans le golfe de Gascogne où un seul marin survécut au naufrage.

Le Vivarais fit une belle carrière aux Messageries, puis à la C.G.M., jusqu'en 1978, année où la Compagnie le vendit à un armateur grec qui le dénomma White Rose, il fut désarmé en 1982, puis démoli en Chine en 1985.

Mais remontons à bord du Vivarais. Depuis le petit matin nous longeons la côte indonésienne au ralenti. Je suppose que nous approchons du port. Mais très vite, j'apprends que la passerelle a du mal à localiser l'entrée du port. Cilacap n'est pas une escale ordinaire pour nous et les moyens de navigation ne sont pas, à l'époque, ce qu'ils sont aujourd'hui.

La compagnie a obtenu un gros contrat portant sur la livraison en plusieurs lots d'un complexe industriel, à construire dans la forêt non loin de là. Il se trouve que le port de Cilacap posssède un wharf, quai sur pilotis, capable de supporter de grosses charges et un chenal d'accès suffisamment profond pour accueillir des cargos comme le nôtre. Les logisticiens préfèrent en effet déposer ce type de marchandise le plus près possible du site, plutôt que d'être obligés de défricher des routes dans la jungle.

Nous sommes les premiers à livrer des éléments de l'usine; Le Mozambique, doit arriver dans quinze jours, et enfin le Malais terminera la livraison.

Je me souviendrai toujours de notre entrée dans cette petite baie, bordée à babord d'une colline recouverte d'une épaisse forêt tropicale, de laquelle nous parviennent les cris des oiseaux et autres animaux sauvages. A tribord, se tient une vaste plaine bordée par une plage où déferlent de grosses vagues. Notre quai se trouve de ce côté, d'où l'on aperçoit ce qui doit être le village de Cilacap.

Il y a beaucoup de curieux, venus voir ce gros navire et ces Européens si rigolos avec leurs longs nez pointus. L'Indonésien a plutôt un nez de boxeur! Dès l'après-midi, le chef mécanicien me donne l'autorisation d'aller goûter à la beauté des lieux. Je pars donc avec un ami le long de la plage qui prolonge le quai. Nous sommes tout de suite assaillis par d'innombrables motards qui, moyennant rétribution, nous proposent leurs services pour nous mener au village. Les enfants nous suivent, nous touchent, très amusés par ces blancs au long nez. Nous refusons amicalement toutes les propositions. Mais alors que nous longeons la petite route menant au village, une motocyclette de marque japonaise pilotée par une jeune Indonésienne s'avance vers moi, la roue avant de la moto finit sa course entre mes jambes! Un curieux dialogue s'instaure, les yeux dans les yeux, un brin de timidité de chaque côté, difficile d'entamer une conversation lorsque les langages sont si différents... Mais, dans ces cas-là, les yeux et les mains suffisent et c'est par un petit baiser qu'un rendez-vous est conclu pour le soir au village!

Insouciance et beauté de la jeunesse, avoir dix-sept ans en 1976 dans un coin perdu d'Indonésie et rencontrer une jeune inconnue, je ne puis oublier un tel moment.

Le soir venu, avec deux camarades, nous nous rendons au village, assis à l'arrière des motos-taxis locales et n'ai aucune difficulté à retrouver ma petite amie rencontrée au bord de la plage. Le village n'est éclairé que par de multiples bougies, disposées devant chaque maison. L'odeur de l'encens et des Treteks (1) est prédominante, il n'y a pas de restaurants, pas de boutiques. C'est dans une maison ressemblant vaguement à un bar que nous passons une agréable soirée, qui commence par la dégustation de merveilleuses gambas, accompagnées des traditionnels riz, piments, épices et manioc locaux. Avec quelques bières et de la bonne musique, la soirée se passe dans une excellente ambiance. On entend aux alentours d'autres clameurs et d'autres musiques, attestant que la plupart des marins du bord sont disséminés dans plusieurs cabanes du village. La nuit est passée à terre bercée par les cris des animaux sauvages, crapauds buffles, singes et autres oiseaux; sous une chaleur torride, mais en si bonne compagnie...

Nous resterons quelques jours à Cilacap et dès le travail terminé nous accourons au village! C'est avec tristesse et très fatigué que je quitte ce charmant petit port en direction de Jakarta.

1- Cigarettes coniques à base d'eucalyptus qui dégagent un parfum insupportable

 

SEPTEMBRE 1976

Korrigan, le navire amiral

ÊTRE CONVOQUE POUR EMBARQUER SUR Le Korrigan en 1976, c'et monter sur la plus haute marche des Messageries maritimes.Ce navire bat tous les records, il est le plus gros porte-conteneurs du monde, le plus rapide, vingt-huit noeuds en service, trente-cinq noeuds aux essais, il possède la machine la plus puissante de France, cent mille chevaux, dont quatre mille de propulsion! mais revers de la médaille: il consomme quatre cents tonnes de combustible par jour!

Je découvre à bord de ce navire une autre façon de naviguer, c'est "ma" navigation, celle que je vais connaitre pendant vingt ans, la marine moderne...

La première fois que je pénétre dans ma cabine, je crois rêver: grand lit milieu, moquette, salle de bain personnelle, climatisation, diffusion musicale, c'est le confort d'un hôtel trois étoiles! Nous sommes loin des cabines du vivarais avec le sol en carrelage, le lit de coin en tube d'acier, le lavabo usé et surtout... le collègue de chambrée!

La construction du Korrigan, sa solidité et sa grandeur lui permettent de passer dans le gros temps sans que nous ressentions la moindre vibration, le moindre tangage (1). Il est même équipé d'ailerons stabilisateurs anti-roulis!

Les salons, fumoirs, salle de sport, bar, font de ce navire un véritable palace flottant. Ce dont je ne me rends pas compte, c'est que tout ce luxe fait partie d'un ensemble qui préfigure une nouvelle ère de la navigation au long cours. Il est ici primordial que le marin se sente à l'aise pour vivre les cadences infernales imposées par le trafic des marchandises en conteneurs.

Le Korrigan est affecté à la ligne de l'Extrême-Orient. Il effectue des voyages entre l'Europe du Nord et les pays asiatiques en accomplisant un tour du monde en cinquante-six jours. Le périple est immuable: départ de Rotterdam, passage du Cap de Bonne- Espérance, tournée des grands ports asiatiques: Singapour, Hongkong, Tokyo, Kobe, puis retour par le canal de Panama.

Les escales ne durent que quelques heures. Le navire étant hyperautomatisé, l'armateur a considérablement diminué l'effectif, de sorte que l'on se retrouve à vingt-cinq marins sur un monstre de deux cent quatre-vingt mètres. Et pour couronnner le tout, nous avançons tellement rapidement que nous traversons un fuseau horaire quasiment tous les jours! Dès le départ de tokyo, l'heure d'arrivée à Rotterdam est fixée et le navire s'y présente à la demi-heure près! On comprend aisément que le marin ait besoin des conditions de vie à bord les plus agréables possible...

C'est sur le Korrigan que j'atteins l'âge de dix-huit ans et perds l'appellation de novice pour celle de marin polyvalent (2).

Il y a, vu la taille et le prestige du bateau, un état-major de grande classe, le commandant fait partie de ces êtres qui n'auraient pas dépareillé à la cour de Versailles... Je ne l'ai aperçu qu'une fois ou deux pendant le voyage! Lors du passage du canal de Panama, je suis monté avec deux collègues sur la passerelle supérieure (3), afin de prendre quelques photos. Notre commandant envoie le second capitaine nous demander de descendre immédiatement, car notre "pacha" ne supporte pas d'avoir quelqu'un au-dessus de lui! Il y a également deux chefs mécaniciens. Le plus haut placé ne doit connaître l'entrée de la machine que sur les plans! Lui aussi, je ne l'ai entrevu qu'épisodiquement durant l'embarquement. Etant donné que tous les paquebots des Messageries maritimes disparaissent à cette époque, un tel navire représente une excellente valeur refuge pour ces messieurs habitués aux grandes cours...

Il y a donc, malheureusement , un écart phénoménal entre la navigation sur un cargo et sur un porte-conteneurs. J'ai la grande chance de connaître les deux, ce voyage sur le Korrigan ne constitue pas pour moi un adieu aux premiers cités, j'aurai l'occasion de retourner plusieurs fois, jusqu'à l'année 1980, naviguer sur ces bonnes vieilles coques.

Au retour d'Extrême-Orient, le korrigan emprunte donc le canal de Panama.ce transit symbolise, pour l'équipage, une coupure dans la longue traversée de Tokyo à Rotterdam, ce trajet représentant à peu près la moitié du tour de la planète.

 

Dès l'aube, nous passons sous le pont des Amériques, cet ouvrage d'art est le seul lien artificiel reliant les deux continents américains. Ce pont est situé en amont de la première écluse, il s'ouvre sur la ville de Balboa. Dès le petit matin, l'atmosphère est humide et pesante, c'est en visitant de tels pays à l'hydromètrie galopante que l'on peut se rendre compte des bienfaits de la climatisation des locaux Et on ne peut oublier de songer à nos prédécesseurs qui naviguaient sur des navires au confort rudimentaire.

C'est avant de pénétrer dans la première écluse que l'agent de la compagnie et les autorités locales montent à bord, l'un pour déposer le courrier de l'armateur et de l'équipage, les autres afin de remplir les formalités de passage dans le canal.

Le Korrigan s'ébranle déjà sous le contrôle des pilotes panaméens, fait exceptionnel, ce ne sont pas moins de cinq pilotes qui interviendront afin de faire passer sans encombre notre mastodonte dans les écluses.

Le passage d'un océan à l'autre consiste en un ensemble de montées et de descentes effectuées à l'aide de gigantesques écluses. En partant de l'océan Pacifique, nous montons vers le lac artificiel de Gatun, situé à vingt-six mètres au-dessus du niveau des mers, puis nous redescendons vers l'océan Altantique. Le transit se terminant à Cristobal.

La difficulté pour un navire de la taille du Korrigan, n'est pas de franchir les quelques quatre-vingts kilomètres de canaux tracés dans la jungle tropicale. Elle survient lorsqu'il s'agit de franchir les trois séries d'écluses, constituant autant de marches d'un escalier servant à passer d'un océan à l'autre.

La largeur de notre porte-conteneurs est approximativement la même que celle des écluses. On dit d'un tel navire qu'il est du type "panamax", ses plus grands frères sont dénommés" over panamax" et sont condamnés à passer par le cap Horn.

Ce sont donc ces paramètres de largeur du navire qui expliquent la présence à bord d'un tel nombre de pilotes. Deux d'entre eux sont positionnés à l'avant dans des miradors placés de part et d'autres du gaillard. Deux autres se tiennent sur les ailerons de la passerelle et enfin le chef pilote dirige la manoeuvre depuis la timonerie.

Dès l'accostage, à l'entrée de l'écluse, une vingtaine de manoeuvriers prennent le bord d'assaut, ils s'occupent de l'attelage du navire aux mules. En effet, tout au long de son avancée dans l'écluse , le navire est tracté par de puissantes locomotives électriques appelées mules. Reliées au bateau par de gros câbles précisément réglés, elles tirent lentement la masse d'acier le long du bassin.

On s'aperçoit donc que ce sont les cinq pilotes et les lamaneurs, tous employés de la société du canal, qui font transiter le navire dans les écluses! Les marins français n'ont eu qu'à contempler le paysage! On sent bien dans cette prise de pouvoir la présence de l'oncle Sam. Les tenues impeccables des pilotes, leur anglais au fort accent yankee sont là pour nous enlever quelques doutes... De même lorsque l'on voit les tenues kaki, un brin militaires, mais hypersécurisées des lamaneurs panaméens, on a bien l'impression de se retrouver sur rade de Baltimore ou de New York.

Mais il est vrai que pour effectuer de telles manoeuvres, il faut des hommes connaissant parfaitement l'utilisation de ce matériel spécifique. Pour la petite histoire, il paraît qu'une bouteille plastique, genre bouteille d'eau, ne passe pas, de part et d'autre, entre la coque et les murailles des écluses.

Après une journée passée dans les écluses de Miraflorès, Pedro, Miguel et Gatun et tout au long de ce magnifique canal verdoyant, le Korrigan a repris son allure infernale. Il se dirige maintenant à la vitesse de vingt-huit noeuds, en se frayant un passage dans la myriade d'îles caribéennes, vers l'océan Atlantique et le port de Rotterdam.

J'ai fait deux embarquements sur ce navire amiral, l'un en 1976, l'autre en 1977.

Dans les années 80, vu le coût du baril de pétrole et la consommation monstrueuse de ce bâtiment, la Compagnie générale maritime, héritière des Messageries maritimes, décide de remplacer les turbines du Korrigan par des moteurs Diesel, plus économiques. Bien qu'il ne perde rien de sa splendeur, le navire n'a plus sa réputation de bolide des océans, d'autant plus que de nombreuses constructions plus récentes lui font largement de l'ombre.

Il continue malgrè tout une très belle carrière au sein de la Compagnie jusqu'en 1997, puis sous pavillon grec jusqu'en 1998, année où il est livré à des démolliseurs pakistanais. Ce navire reste à mon avis la dernière construction ambitieuse et réussie de notre pays, qui depuis ne cesse de tourner le dos à la mer.

Il reste également pour moi le sul bateau qui aura été présent durant toute ma carrière de marin au long cours.

1- Mouvement du navire dans le sens longitudinal, on dit aussi que le navire "plonge dedans". 2- Nouvelle appellation des fonctions de nettoyeur et de matelot, le marin pouvant évoluer aussi bien sur le pont que dans la salle des machines. 3- Le toit de la passerele, cet endroit forme un immense balcon où l'on peut, entre autres, prendre des bains de soleil.

Mars 1979

Le vent d'Aquilon

C'EST AU RETOUR DU SERVICE MILITAIRE que j'embarque sur l'Aquilon, en ce mois de mars 1979. C'est un superbe cargo polytherme (1) tout blanc, aux lignes racées, " taillées pour la course". Construit à Dunkerque en 1969, il fait partie d'une très grande série où l'on trouve entre autres les Marsouin, Narval, de la compagnie Fabre, l'Ivondro de la Havraise (devenu ensuite l'Orque chez Fabre), le Fort Sainte Marie de la Transat, etc. Certains de ces navires existent encore de nos jours. L'aquilon et l'ivondro ont été démoli en 1998 sous les noms de Polly Pride et Polly Parade. Nous sommes affectés au transport des bananes entre les Antilles française, le Costa Rica et l'Europe. Les rotations incluent d'un côté Hambourg, Dieppe et Le Havre et de l'autre Pointe à Pitre, Basse-Terre, Fort-de France aux Antilles et Puerto Limon au Costa Rica.

L'Aquilon

(1) Se dit d'un navire frigorifique, pouvant transporter dans ses cales des marchandises à n'importe qu'elle température, de moins trente à plus trente degrés.

 

Traversées ligne "TOUR DU MONDE"

Traversée de port à port

Distance en miles nautiques

Durée

à 18,5 noeuds

Décalage horaire port d'arrivée
Le Havre/Savannah. (U.S.A)
3796
8 jours 13 heures
- 4
Savannah/Cristobal (Panama)
1542
3 jours 11 heures
-5
Balboa/Mururoa (Polynésie)
4000
9 jours
-9
Mururoa/Papeete (Tahiti)
660
1 jour 12 heures
-10

Papeete/Nouméa (Nouvelle Calédonie)

2524
5 jours 16 heures

+ 11 changement dedate

Nouméa/Lae (Papouasie)
1507
3 jours 10 heures
+ 10
Brisbane (Australie)/Lae
1401
3 jours 4 heures
+ 10
Lae/Jakarta (Indonésie)
2754
6 jours 5 heures
+ 7
Jakarta/Singapour
565
1 jour 6 heures
+ 8
Singapour/Colombo (Sri Lanka)
1584
3 jours 13 heures
+ 5 h 30
Colombo/suez (Egypte)
3385
7 jours 15 heures
+ 3
Suez/Gênes
1496
3 jours 9 heures
+ 1
Gênes/Marseille
203
11 heures
+ 1
Marseille/Algésiras
694
2 jours 4 heures
+ 1
Anvers/Dunkerque
67
4 heures
+ 1
Dunkerque/Le Havre
124
7 heures
+1

Circumnavigations (extrait)

Qui n'a pas rêvé de faire, au moins une fois, le tour du monde?

Les marins de commerce cultivent grandement ce privilège. En ce qui me concerne, j'ai effectué sept fois le tour de notre planète, deux fois d'ouest en est et cinq fois d'est en ouest.

A la C.G.M, une seule destination permet d'effectuer ce périple: la ligne du Pacifique, appelé parmi nous "Tahiti - Nouméa". Notre entreprise à vocation publique, s'est vue tout naturellement octroyée l'exclusivité de la desserte de nos départements et territoires d'outre-mer.

Pour se rendre aux Antilles ou en Guyane, il ne faut qu'une semaine de traversée, ceci constitue pour nous un petit voyage ordinaire. Partir ravitailler l'île de la Réunion et Mayotte en contournant le continent africain présente déjà plus d'intérêt. Mais le summum en la matière est bien de s'en aller à la rencontre de nos compatriotes polynésiens et calédoniens.

Lancés en 1976, les porte-conteneurs rouliers (1) Rodin, Rostand, Rousseau sont les premiers navires neufs arborant les couleurs de la toute jeune Compagnie générale maritime, fille des feux Compagnie générale transatlantique et Compagnie des messageries maritimes. Ce type de navire est très à la mode en cette fin de décennie 70.

Construits de manière très ingénieuse et sophistiquée, ils assurent en fait le trait d'union entre la conteneurisation galopante du transport entre pays industrialisés et les pays sous-équipés.

Il y a toujours eu un fossé entre ce que l'on appelle les relations Est-Ouest et les relations Nord-Sud. Sous-entendu le trafic entre les Etats-Unis, l'Europe et l'Extrême-Orient d'une part et les relations entre ces régions et le reste du monde d'autre part. A ce titre, en 1980, dans l'hémisphère Sud, seuls l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud possèdent des terminaux à conteneurs dotés de portiques de levage. Il est aisé de comprendre que ces astucieux navires rouliers, appelés "RoRo" sont très utiles dans la plupart des ports sous-équipés.

Equipé d'une rampe arrière oblique (2), son intérieur est constitué de plusieurs ponts garages desservis par des rampes d'accès, un peu à la manière des parkings souterrains de nos villes. Pour manutentionner les colis et conteneurs, l'armateur a doté chaque navire d'une flotte de plusieurs chariots élévateurs spécialement conçus pour se "promener" dans le ventre du navire. Les plus costauds d'entre eux peuvent manutentionner des charges de quarante tonnes.

Grâce à ces RoRo, il est possible de déposer un conteneur chargé aux Etats Unis dans le port de Lae en Papouasie.

De conception spécifique, gourmands en énergie (ventilation, hydraulique, propulsion...), les RoRos sont des navires chers à l'achat et coûteux en exploitation. L'armateur a donc l'obligation de rentabiliser au maximum ces voyages au bout du monde.. Ce ne sont pas les marchandises transportées pour le compte de l'Etat qui rendront la compagnie prospère!

Il y a eu deux versions de desserte du Pacifique. La première a existé de 1976 à 1986. L'expédition consistait à se rendre à Nouméa et à revenir sur ses pas. Cette navigation peu intéressante avait en plus la particularité de mettre le marin à genoux par le décalage horaire. En effet, le tour du cadran horaire était effectué dans le bon sens à l'aller, mais s'avérait bien plus fatiguant au retour avec l'implacable remontée vers l'heure dite G.M.T., (3) en vigueur en Europe.

Cette tournée donnait un voyage comme suit: Le Havre/Cristobal (Panama) /Mururoa/Papeete/Nouméa/Santo (Vanuatu)/Papeete/Balboa (Panama)/Baltimor (U.S.A.)/Norfolk (U.S.A.)/Le Havre.

La deuxième solution, adoptée après 1986, constitue un tour du monde à part entière, et dans sa version la plus longue, c'est à dire aux environs de l'équateur (n'en déplaise à nos courageux "voileux", solitaires ou non, qui font le tour du monde en descendant l'Atlantique et en contournant le Pôle Sud...). Voici le détail de ce voyage: Le Havre/Savanah (U.S.A)/Cristobal (Panama)/Mururoa /Papeete /Nouméa/ Santo/Port-Vila/Melbourne/Sydney/Brisbane/Lae (Papouasie)/ Jakarta/Singapour/Colombo /Suez/Gênes/Marseille. Le tour du monde en quatre-vingt-quinze jours.

La compagnie réussit là à rentabiliser ses navires en offrant à ses clients une multitude de possibilités de chargement et de destinations. On peut se demander quel type de marchandise passe ainsi d'un bout du monde à l'autre.

Il y a tout d'abord l'Etat, qui de la métropole "exporte" tous les matériaux nécessaires aux essais nucléaires sur l'atoll de Mururoa. Il utilise également nos services pour acheminer ses équipements anti-émeutes lors des événements de Nouvelle-Calédonie.

Les clients français chargent donc sur les trajets Le Havre/Tahiti et Nouméa. Il y a dans les conteneurs tout ce dont vous avez besoin pour vivre quotidiennement. Produits de consommation courante, pharmaceutiques, de construction, voitures, camions, bus, matériaux de construction, etc. Imaginez tout simplement votre département entouré par la mer et ravitaillé par le reste du pays!

A Savannah, dans l'état de Georgie, les américains nous confient principalement du matériel agricole, tels ces monstrueux tracteurs destinés aux paysans australiens exploitant d'immenses territoires.

Cristobal, à l'entrée du canal de Panama, est une escale "ravitaillement" en combustible, avant de s'attaquer à la traversée du Pacifique.

Tahiti exporte un peu de coprah (4) provenant des multiples atolls voisins et d'huile extraite de ses noix de coco.

La Nouvelle-Calédonie est riche en nickel, c'est l'un des premiers producteurs mondiaux. Elle nous confie des tonnes de lingots confectionnés dans les hauts-fourneaux de l'usine de Doniambo, près de Nouméa.

Le Vanuatu, anciennement Nouvelles-hébrides, parent pauvre de la zone, exporte du coprah et quelques reefers (5) de viande.

Les australiens récupèrent leur matériel agricole et chargent des conteneurs de peaux de bêtes, sous divers conditionnements, certains conteneurs dégagent des odeurs fétides sous la chaleur tropicale. Ils chargent également des conteneurs de fruits, sous température contrôlée, du chilled, viande fraîche transportée à la température très précise de + 2,5°C, à destination de l'Europe (il s'agit bien souvent de viande chevaline). L'australie exporte également chez ses voisins indonésiens.

En papouasie, nous prenons en charge plusieurs conteneurs d'un excellent café.

A Jakarta et Singapour, nous embarquons principalement la production des usines textiles et autres, délocalisées par les patrons européens vers ces pays à la main-d'oeuvre peu coûteuse.
Colombo au Sri Lanka, constitue notre escale "épices". Y prendront place à bord thés, poivres, etc.
Après le passage du mythique canal de Suez, voici enfin l'Europe et le port de Gênes, qui avant l'arrivée au pays, à Marseille, signe la fin de ce captivant tour du monde.

1 - Chargement par roulage, comme un car ferry

2 - La rampe d'accès du navire, n'est pas comme sur un car ferry, située dans l'axe du navire, mais légèrement en travers de l'arrière tribord. Cette disposition ne nécessite pas de quais spéciaux,comme on peut en voir dans les ports tels que Calais ou Roscoff.

3 - Pour ce rendre en Nouvelle-Calédonie, on traverse la moitié des fuseaux horaires et l'on franchi la ligne de changement de date, située entre les îles Fidji et Nouméa. ceci implique donc de prendre un décalage de douze heures à l'aller et autant au retour. A l'aller, la situation est agréable car nous pouvons dormir une heure de plus environ toutes les deux nuits. Lors du retour, par contre, une heure de sommeil sera retirée également tous les deux jours. Le dérèglement et la fatigue se font rapidement sentir et il faut plusieurs jours pour se réadapter, lord du débarquement.

4 - Ecorce des noix de coco, dont on extrait entre autres de l'huile, entrant dans la fabrication de divers produits, dont les cosmétiques.

5 - Conteneurs réfrigérés autonomes. Ce sont des conteneurs disposant d'un groupe frigorifique, que l'on branche à bord. Ils permettent le transport sur de longues distances et périodes de produits nécessitant une température bien précise. Les fruits et légumes voyagent ainsi à la température idéale pour éviter tout mûrissement prématuré. La viande et le poisson traversent les océans en étant congelés. D'autres produits voyagent ainsi sous température contrôlée, matériel pharmaceutique, médical, , etc. de précision. On peut trouver à bord plus de cent conteneurs de ce type.

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Marine marchande