Mérite Maritime et médaille d'Honneur des marins

Actualités de la section 29 : Clap de fin pour les Alouettes 3 de l'aéronavale.

Clap de fin pour les Alouettes 3 de l'aéronavale.

mardi 11 avril 2023

Jean Debroize, auteur du livre Sauvetage en mer, l'hélico de Maupertus, chef pilote et directeur d'exploitation de la société d'héli-services, livre ici sa vision de pilote, à l'occasion de l'adieu aux armes d'un aéronef mythique après 60 ans de service actif notamment dans l'aéronavale. Il présente l' Alouette 3 dans quelques unes de ses versions, adaptées au secours en mer, SAR, au combat, à la lutte anti sous-marine ou encore à l'apprentissage du métier de pilote d'hélicoptère entre raison et passion.

À découvrir…

EB

 

 

B.A.N Lanvéoc-Poulmic, 9 Décembre 2022 : « Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour marquer le départ d’un hélicoptère qui à force d’être vu sur tous les bateaux, toutes les BAN depuis si longtemps, finit par faire partie de l’équipage […] pour autant, l’heure de la retraite a sonné.» Sur ces paroles prononcées par l’Amiral Pierre Vandier, Chef d’Etat-Major de la Marine, s’achève au terme d’une cérémonie réunissant les marins du ciel anciens et actifs, la très longue et très efficiente carrière de l’Alouette3 dans l’Aéronautique Navale. Très longue car les premiers exemplaires ont été mis en service opérationnel en 1963. Efficiente car cet appareil a été confronté sans soucis particuliers aux pires conditions d’emploi possibles, du cercle polaire aux chaleurs de Djibouti et du Golfe Persique, passant parfois plusieurs semaines de traversée amarré sur le pont d’un bâtiment dépourvu de hangar. Un entretien adapté effectué par des techniciens consciencieux – que l’Amiral n’a pas manqué de remercier-suffisait à maintenir une disponibilité voisine de 100%, et en 60 années, seulement deux accidents mortels ont été exclusivement consécutifs à une avarie mécanique. D’un pilotage aisé grâce à une régulation efficace et des commandes de vol précises et équilibrées, les Alouette 3 disposaient en outre d’une réserve de puissance considérable au niveau de la mer. La turbine Artouste par exemple pouvait délivrer 880 cv, mais était limitée à 550 cv à basse altitude pour préserver les transmissions et ensembles tournants. Rien cependant n’empêchait en cas d’urgence de solliciter les chevaux en sommeil, au prix -parfois élevé – de quelques copeaux métalliques sur les bouchons magnétiques.

Mais cette faculté a sûrement évité plusieurs accidents, et au minimum préservé quelques pilotes du déshonneur ! Des 49 exemplaires exploités dans les unités de l’Aéronavale, 31 ont été des versions basiques de type 316B (turbine Artouste, évolution de la 3160) et 319B (Astazou) équipées des options treuil, cadre «sling », vide-vite, et enfin dans la seconde moitié des années ’70 des flottabilités de secours. Quant aux 18 autres, ce sont des modèles spécifiques, voire uniques. L’Alouette 3 « VSV » : 5 exemplaires uniques. En 1972 est créée au sein de l’Escadrille 22S à Lanvéoc la « Section VSV» avec pour objectif de qualifier tous les pilotes d’hélicoptère au vol aux instruments et former instructeurs et examinateurs. Dans ce but, la Marine a conçu une version de la 316B dotée du tableau de bord pilote et du pilote automatique 4 axes du Super-Frelon. Ce P.A. (SFIM 112S) outre les fonctions de stabilisation de base, couplé à un radio-altimètre et un radar Doppler permet la transition automatique du vol en croisière vers le stationnaire, et de maintenir ce dernier. La manœuvre consiste en la présentation à une « porte » définie par une vitesse (90 kts) et une hauteur radiosonde (150ft). Le déroulé de la séquence est contrôlé via un instrument « indicateur de vol stationnaire « (IVS) ressemblant à un ILS, et fournissant par des aiguilles croisées de indications de vitesses longitudinales et latérales. Des critères d’écarts stricts sont à respecter pendant cette phase. En cas de dépassement, la remise de gaz (manuelle) est impérative. Le stationnaire étant tenu à 70 ft, bien des vols d’instruction de nuit se sont déroulés sans jamais voir autre chose que le balisage de piste au décollage et à l’atterrissage. Le retour au vol de croisière est totalement manuel et exige une grande concentration: pas général à 80%, 5° à piquer à la boule dès le vario positif, accélération à 60 kts, assiette positive (1 épaisseur de maquette) réduction à 75% de pas général, montée à l’altitude prescrite et mise en palier croisière. Un mode supérieur de couplage sur le câble du sonar, actif seulement sur le Super-Frelon, est inhibé sur l’Alouette 3 VSV. Les stages VSV ont été incorporés en 1975 à la formation « navalisation » des élèves-pilotes, faisant regretter à nombre d’entre eux la relative quiétude des phases précédentes de leur cursus ! Les Alouettes 3 « VSV » ont été exclusivement dédiées à l’instruction. En raison de leur masse à vide, elles ne pouvaient emporter que deux personnes avec le plein complet (550l, soit 2h30 de vol). Les 5 appareils ont été retirés du service en Juin 2009 (600 pilotes formés), la suite étant assurée par les Dauphins.

L’Alouette 3 « ASM » : 12 exemplaires En prévision de la mise en service prévue en 1975 des Frégates type « Tourville » dont le système d’armes inclut un hélicoptère de lutte anti-sous-marine (ASM), la Marine doit trouver un appareil disponible rapidement pour assurer le lien avec l’arrivée du Lynx dont le programme lancé en 1967 a subi des retards : le premier appareil de série ne volera qu’au début de 1977. Ce sera la version 319B (turbine Astazou XIV) un peu plus puissante que l’Artouste et moins gourmande en carburant. Cette Alouette ASM sera dotée d’un détecteur d’anomalie magnétique (MAD) pour la traque des sous-marins, et capable d’emporter une torpille MK 44 ou 46 du bord opposé au MAD, voire deux en démontant celui-ci. Equipements : pilote automatique basique (stabilisation sur les 3 axes ), treuil de sauvetage, flottabilité de secours, vide-vite et, nouveauté sur une Alouette, un harpon hydraulique qui permet de « fixer » l’appareil sur une grille incorporée au pont du navire.Photo 3 et légende correspondante dans ce paragraphe La mise en œuvre du « MAD » n’est pas une opération de tout repos, car cet « oiseau » doit voler au plus près de la surface de la mer. La longueur de câble est de 160 ft. De jour, les passes se font à 200ft, de nuit à 300ft. Inutile de dire que l’équipage doit surveiller le radioaltimètre de près. Lequel équipage est composé d’un pilote (deux de nuit) et d’un électronicien en charge de l’exploitation des signaux « MAD ». Il dispose à cet effet d’un tracé « papier » généré par des composants électroniques regroupés dans une console située à gauche du pylône, et sur le même plan. La Flottille 34F (Lanvéoc) mettra ces appareils en œuvre (1974) jusqu’à la complète dotation en Lynx (1980). Les Alouettes seront alors dépouillées de leur système de combat et dispersées comme appareils de servitude dans les autres unités. Plusieurs Alouette 3 « ASM » ont été acquises par le Pakistan. Les pilotes et les mécaniciens ont été formés au sein de la 22S /ESHE.

L’Alouette 3 « radar », unique exemplaire Cette 319B n° 1997, a été équipée du radar ORB31 capable de détection à plus de 50 milles nautiques (90km). Embarquée sur les BEM « Henri Poincaré » puis « Monge » elle concourait aux missions d’observation des essais en vol des missiles balistiques tirés depuis le site de Biscarosse (Ex- Centre d’Essai des Landes) ou d’un SNLE. Reconnaissable à son « gros nez » elle est une des dernières Alouettes 3 en service au jour officiel de la « retraite » de ces valeureux appareils.

Les utilisateurs Nombre de Formations ont mis en œuvre des Alouette 3 : 12S, 20S, 23S, 27S, 34F, Section Alouette du Pacifique… Mais s’il est une unité dont la vie se confond totalement avec celle de cet appareil, c’est bien l’Escadrille 22S. En effet, la 22S (qui était de 1946 à 1953 une Escadrille armée de « Catalina ») a été sortie de son sommeil le 1er Août 1964, et a vu arriver la première Alouette 3 le 5 Août, jour de la prise de commandement de son premier « Pacha », le Lieutenant de Vaisseau Kervella. Jusqu’à sa récente dissolution, la 22S ne mettra en œuvre que des Alouette 2 et 3. Devenue en 1976 « 22S/ESHE » assurant la « navalisation » des Elèves-Pilotes qui recevront dès lors leur macaron à Lanvéoc, l’Escadrille alignera jusqu’à 18 appareils. Cela amènera - grâce à l’opiniâtreté de son Commandant le Capitaine de Corvette Alfonsi qui a dû batailler pour convaincre la hiérarchie - une petite révolution dans le service « à terre » pour les mécaniciens qui dès lors travailleront par bordées (midi-midi) afin d’assurer la disponibilité nécessaire au bon déroulement des stages. Car l’Escadrille assure non seulement les différents stages : navalisation, qualifications initiales VSV, formation des instructeurs et examinateurs VSV, qualification des moniteurs autorotations…mais aussi la « servitude » de la Région Maritime Atlantique et parfois plusieurs détachements simultanés sur divers bâtiments. Le compte-rendu d’activité de l’année 1990 établi par le Commandant de la 22S le Capitaine de Corvette Garraud, est explicite : Effectif : 110 personnes, Heures de vol : 4 800 dont 3 000 en instruction, 20 élèves-pilotes brevetés, 18 détachements sur divers bâtiments, 426 jours de mer, 17 pilotes extérieurs à la Marine navalisés, 18 pilotes réentraînés, 3 300 « accrochages » dont 700 de nuit.

Merci Alouette 3, tous ceux qui ont appris et exercé avec toi au cours de tes 330 000 heures de vol te souhaitent avec affection et respect une heureuse retraite, en formulant le vœu que de nombreux exemplaires soient préservés plutôt que « ferraillés ».

BEM : Bâtiment d’Essai et de Mesures

ESHE : Ecole de Spécialisation sur Hélicoptères Embarqués

Région Maritime Atlantique : Zone de commandement s’étendant du Mont Saint-Michel à la frontière espagnole.

Accrochages : appontage sur les bâtiments autres que les porte-aéronefs.

© Jean Debroize

© Jean Debroize : Profil BAN Lanvéoc Alouette3 « Radar » n°1997.
© Jean Debroize : Profil BAN Lanvéoc Alouette3 « Radar » n°1997.
© Jean Debroize : L'Alouette 3
© Jean Debroize : L'Alouette 3
© Jean Debroize : Cockpit de l’Alouette 3 « Radar » 1997. Allez la voir prochainement au musée de l'Aéronavale (ANAMAN) de Rochefort  (17).
© Jean Debroize : Cockpit de l’Alouette 3 « Radar » 1997. Allez la voir prochainement au musée de l'Aéronavale (ANAMAN) de Rochefort (17).
© Flottille 34 F : carlingue d'Alouette 3 ASM. Le MAD ( détecteur d'anomalie magnétique ) est au premier plan, la tête de la torpille Mark 46 est visible à l'opposé côté droit de l'aéronef.
© Flottille 34 F : carlingue d'Alouette 3 ASM. Le MAD ( détecteur d'anomalie magnétique ) est au premier plan, la tête de la torpille Mark 46 est visible à l'opposé côté droit de l'aéronef.